Portrait de la réalisatrice Rebecca Zlotowki (Belle épine)

Par Fabien Gaffez

Rebecca Zlotowski ne fait aucune hiérarchie entre son travail de scénariste et celui de réalisatrice. Pour elle, chaque collaborateur est à sa manière le co-auteur du film. Libérée de la conception française du film d’auteur, elle réalise avec BELLE ÉPINE un premier film nourri aussi bien de cinéma français que de cinéma de genre. J’ai autant aimé Pialat, Rozier et Sautet que les teen movies américains. Le style du film témoigne de cette singulière hybridation, qui parvient d’un même élan à peindre ses paysages et incarner ses personnages – s’inscrivant dans la longue tradition des portraits de femmes : J’aime les blasons et les portraits. Les films que j’aime font chacun émerger une figure, au sens fort : un visage et une posture morale. BELLE ÉPINE n’est pas seulement le portrait d’une jeune fille, c’est aussi celui d’une fugue, d’une aventure et d’une vitesse propres à la jeunesse.
Pour ce film « solipsiste » qui offre à Léa Seydoux le plus beau rôle de sa jeune carrière, Zlotowki devait composer un casting où chaque personnage existerait pleinement et à la seconde. Il s’est agi de trouver des acteurs avec une façon de parler ou de marcher déjà pleine de fiction. Ainsi de la démarche terriblement émouvante d’Agathe Schlenker ou de la diction unique de Nicolas Maury. Quant à Léa Seydoux, Zlotowski n’avait qu’elle en tête : J’ai décidé tout de suite qu’elle serait Prudence et ce pari était déjà le début de notre collaboration. La difficulté pour construire Prudence c’était l’apparente inexpressivité, l’immense intériorité du personnage : il a fallu tout exprimer puis tout effacer. Tout cela provoque la vénéneuse beauté de BELLE ÉPINE.

À la Semaine de la Critique