À propos de Raie Manta

par Marie-Pauline Mollaret

Poème ultra-contemporain construit en trois strophes qui se font écho, Raie Manta se confronte aux maux de notre époque, entre vacuité, autoritarisme et répression. D’une sidérante beauté mélancolique, il explore les espaces de résistance qui permettent à ses personnages de réaffirmer leur liberté. C’est un récit polyphonique à la fois suspendu et ancré, en osmose avec son propos, qui, d’un même mouvement, recherche et produit à travers le geste cinématographique ces fameux interstices émancipateurs qui redessinent notre rapport au monde.

Entretien avec Anton Bialas

Continuité

« Raie Manta reprend la forme du triptyque que j’aime beaucoup et que j’ai utilisée dans deux films précédents, mais il marque une envie plus poussée d’aller vers la fiction, vers quelque chose de plus joueur aussi dans la forme et les différents moyens du cinéma. C’est aussi une tentative de renouveler pour moi ce désir de cinéma. Sur le fond, il poursuit l’envie de filmer des êtres qui cherchent à détourner leur rapport à la société et peut-être inversement à renforcer leur rapport au monde. »

Triptyque

« Le premier chapitre met en scène des éléments concrets de la vie de mon épouse Kamilya Kuspanova, arrivée en France du Kazakhstan il y a dix ans. Ce sont ses peintures de Raies Mantas et d’animaux solitaires et incandescents qui sont à l’origine du film. Le deuxième est né grâce à la folle intensité de la Cantate pour le 20ème anniversaire de la Révolution d’Octobre de Sergueï Prokofiev, puis à travers la figure anonyme de Ghost Rider, cavalier apocalyptique qui transperce la ville à 300km/h. Le troisième par le rêve et la projection d’une zone imaginaire qui se cacherait dans le fond de la Seine, librement inspiré des premiers textes situationnistes d’Ivan Chtcheglov (Gilles Ivain). L’articulation s’est faite à la manière d’un cadavre exquis, trois visages d’une même essence. »

Rapport au contemporain

« Je prends comme point de départ des signes de notre temps, ici une atmosphère autoritaire, infantilisante, stérile. Puis j’y oppose des êtres, des images, qui ont pour moi une charge poétique forte et que j’essaye d’articuler comme une mélodie secrète résistant à ce que je trouve vide et violent dans le contemporain. »

À la Semaine de la Critique