La sélection 2025 de courts métrages déplace notre regard sur le monde.

par Léo Ortuno

Fantastiques, absurdes, queer, mystérieux et politiques, les dix films de la compétition font chacun un pas de côté pour mieux raconter le réel.

Si la reconnexion avec soi-même est souvent associée à la nature, c’est en plein carnaval que le personnage de Samba Infinito renoue avec son enfance. Leonardo Martinelli propose une virée urbaine aussi festive que mélancolique. De façon tout aussi inattendue, Glasses de Yumi Joung, s’ouvre sur une visite chez l’opticien, point de départ d’un périple intérieur où tous les sens sont en éveil.

Plonger dans le passé pour observer le présent avec plus d’acuité, c’est ce que propose l’intrigante fable musicale et sociale réalisée par Róisín Burns. Wonderwall se frotte aux grandes heures de la britpop, revenant sur le conflit Blur/Oasis, vu par une enfant de 9 ans. Avec Critical Condition, Mila Zhluktenko pose sa caméra dans la rédaction du journal l’Ukrainian Independist en 1957. Un voyage dans le temps qui interroge la vie en exil, si loin et pourtant si proche.

L’extravagance pour questionner le genre, c’est une mission que pourrait se donner Bleat! d’Ananth Subramaniam, en plaçant un bouc enceint au coeur d’un village pas vraiment prêt à l’accueillir. Un bêlement tout en finesse et absurdité. Dans Erogenesis, Xandra Popescu imagine un univers dystopique où les femmes explorent le plaisir, tandis que les hommes se musclent en vain. Des visions qui naviguent entre sérieux et plaisanterie, offrant un conte des plus singuliers.

Le cinéma est aussi une affaire de morale, et les personnages d’Alisveris, de Vasile Todinca, en ont assez peu. Ils forcent une femme à se défaire de tout, dans une inexorable course contre la montre qui l’entraîne vers la précarité. Quant à Carmen Leroi, elle travaille autour des multiples questionnements éthiques qu’elle impose à l’héroïne de Donne Batterie. Un acte de générosité qui se transforme en véritable comédie morale dont on suit les péripéties avec délice.

Enfin, L’mina propose une impressionnante exploration dans les mines de Jerada au Maroc. Randa Maroufi reconstitue un monde artificiel fascinant, où les travailleurs témoignent de la difficulté de leurs conditions. Le dernier voyage de la compétition se fait en train, conduit par l’envoûtant Dieu est timide. À la croisée entre film de genre et drame existentiel, Jocelyn Charles nous entraîne dans un trip halluciné à 300 km/h.

La séance spéciale se teinte d’une douce nostalgie. Agnès Patron évoque l’enfance avec Une Fugue, où la forêt devient un personnage à part entière dans ce jeu de cache-cache entre frère et soeur. Avec Eraserhead in a Knitted Shopping Bag, Lili Koss marche dans les pas de David Lynch en suivant les péripéties d’une adolescente voulant à tout prix découvrir un film, et non des moindres. Pour conclure, Guil Sela, lauréat de la compétition 2024, nous invite à une déambulation dans un Paris olympique avec son irrésistible No Skate!.

La Semaine de la Critique continuera de soutenir les cinéastes de cette sélection. Chaque talent aura l’opportunité d’intégrer l’atelier Next Step, un programme d’accompagnement vers le long métrage.