60 ans d'avenirs

Vivarium

Éternel retour

par Chloé Cavillier

Vivarium est le second long métrage de l’Irlandais Lorcan Finnegan. Le film a été sélectionné à la 58e Semaine de la Critique en 2019.

À l’image des oisillons qui connaissent un destin tragique au début du film, le jeune couple de Vivarium bascule en plein cauchemar pendant la visite d’une maison en banlieue. La berceuse macabre qui compose la bande-son se fait alors l’écho d’un douloureux désenchantement, détruisant toute illusion d’une existence confortable et à l’abri. La perfection inquiétante du lotissement est d’emblée annoncée par la composition symétrique de l’agence immobilière, où deux rangées d’habitations identiques se font face, de même que par le sourire étrangement figé du conseiller. En explorant la zone pavillonnaire, Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg) découvrent en effet un lieu désert et aseptisé, fait de lumière artificielle et de nuages de synthèse, de rues sans bruits et de nourriture sans goût. Alors qu’ils profitent du départ énigmatique de leur guide pour fuir, ils ne réussissent qu’à tourner en rond au sein d’un gigantesque labyrinthe, retombant sans cesse sur la même demeure. Cette figure circulaire, qui parcourt le film jusqu’à la fin, s’apparente à un cycle infernal où chaque jour se ressemble et chaque parole est inlassablement répétée. La mise en abîme du pavillon, reproduit à l’infini jusque dans une peinture accrochée au mur du salon, rend la chute des personnages d’autant plus vertigineuse.

Les protagonistes se retrouvent ainsi prisonniers d’un univers sous cloche, véritable vivarium dont le caractère asphyxiant est renforcé par l’arrivée mystérieuse d’un bébé qui, semblable à un vampire, va aspirer leur énergie vitale. Sur ce point, il est important de saluer la performance des deux acteurs, glissant avec aisance du rôle de trentenaire lambda à celui de quasi mort-vivant. Si le duo semble d’abord uni contre ce garnement insupportable, séparé de lui par les champs-contrechamps, le bambin figure également au centre du plan où il dresse une barrière entre les adultes. Un raccord confirme ensuite cet éloignement en montrant Gemma, mue par son « instinct maternel », s’endormir aux côtés du garçon tandis que dans le plan suivant Tom somnole seul dans le trou qu’il passe ses journées à creuser. Contrairement à elle, ce dernier refuse en effet de s’occuper du petit, en qui il ne voit rien d’autre qu’un monstre, une « chose » carpenterienne (« It, not him » corrige-t-il sa compagne). Cette répartition très genrée des rôles (elle vit à l’intérieur et lui à l’extérieur) apparaît dès lors comme une seconde prison les conduisant chacun à leur perte. Quand une distance s’immisce à nouveau entre la femme et l’enfant devenu adulte, et que le couple se rassemble dans un dernier soubresaut de nostalgie, il est déjà trop tard : la vie défile, absurde, et aucun retour en arrière n’est possible. C’est sur ce constat cruel que s’achève Vivarium qui tout du long, sans jamais faire de concession, parvient à explorer l’envers du conformisme avec une efficacité redoutable.

À la Semaine de la Critique

Vivarium

2019

Long métrage

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