Entretien avec Xandra Popescu, réalisatrice de Erogenesis

par Esther Brejon

Erogenesis est un monde en soi, un conte futuriste, politique et féministe, qui nous offre un aperçu d’une société utopique, séparée en communautés distinctes vivant de manière recluse. Empruntant parfois un ton ludique, la voix off de Xandra Popescu nous emporte dans ce monde irréel, où les femmes s’interrogent, après le désastre, sur l’avenir de l’humanité. Ses plans composés comme des tableaux apparaissent tels des visions d’un monde imaginaire, apaisé et dénué de toute velléité belliqueuse, et nous racontent une société fantasmée où triomphent le féminin et le désir.

Entretien avec Xandra Popescu

Comment vous est venue l’idée de ce monde futuriste, séparé en communautés distinctes ? 

Pendant de longues années, j’ai vraiment détesté la science-fiction. Je voyais ça comme un club de mecs. J’y suis venue tard, à travers les œuvres d’Olivia Butler. Dans les années 70, il y a eu une véritable explosion d’autrices de science-fiction, dont beaucoup imaginaient des îles de femmes, des zones autonomes où les femmes vivaient séparées des hommes. Nous voulions inscrire le scénario dans cette lignée. Un type de fiction qui ne se plie pas aux règles de réalismes ni de la causalité ; un film uniquement pour nous, où le désir, et non la plausibilité, façonne le monde. Au nom de la plausibilité, beaucoup de films, même quand ils prétendent la critiquer, tournent la souffrance féminine en spectacle. Nous voulions créer autre chose : un monde dans lequel ces femmes choisissent le plaisir de manière radicale. 

Pourquoi avoir choisi de faire un film sans aucun dialogue, avec seulement une voix off pour guider le public ?

Je préfère considérer  la voix off ici comme une présence et non comme une absence. Pendant longtemps, elle a été rejetée comme une faiblesse, quelque chose qui viendrait entacher la pureté du cinéma. Presque quelque chose d’efféminé. Je pense au vieil adage : une image vaut mille mots. Pour nous, c’était un geste de réappropriation. Non pas pour reprendre l’autorité qu’elle incarne si souvent dans les documentaires, mais pour insuffler quelque chose de plus ludique et subversif : la voix d’une étrange tante lisant un conte queer à des enfants du futur. 

Votre film ressemble à un conte, politique et ludique à la fois. Comment avez-vous trouvé le bon ton pour écrire ce film ? 

Ma productrice Clara Puhlmann, que j’ai invitée à participer au processus d’écriture, m’a soutenue pour que j’aille pleinement vers une esthétique exubérante. Nous partageons un goût prononcé pour l’impertinence, et c’est devenu le fil rouge de notre collaboration. Nous voulions que le film parle d’une voix oblique, peu fiable, quelque chose qui résiste à la rectitude et à la clarté morale. Je pense que ce ton est une part essentielle de ce que nous proposons au public. 

Chaque arrêt sur image du film apparaît comme une vision. Comment avez-vous créé ces peintures vivantes ? 

L’inspiration pour ces cadres est complètement dingue : ça part des post Instagram d’un pote, aux peintures d’Artemisia Gentileschi, en passant par les photos de Justine Kurland et même des films d’exploitation douteux. Donc ce n’est pas que de l’art et du sérieux. mais chaque image est entièrement construite.

À la Semaine de la Critique

Erogenesis

2025

Court métrage

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