Entretien avec Shih-Ching Tsou, réalisatrice de Left-Handed Girl
par Ava Cahen
par Ava Cahen
Mélodrame aux rebondissements multiples retraçant le quotidien d’une mère célibataire et ses deux filles à Taipei, Left-Handed Girl a le charme irrésistible des productions indé et l’énergie des blockbusters.
Entretien avec Shih-Ching Tsou
Left-Handed Girl est né de quelque chose de très personnel. J’ai passé une grande partie de ma carrière à produire les films de Sean Baker, mais j’ai toujours su que je finirais par raconter une histoire qui m’est propre. Ce film est ancré dans mes souvenirs d’enfance à Taiwan, en particulier dans les tensions tues au sein d’une famille traditionnelle et les rébellions silencieuses qui passent souvent inaperçues. Il m’a fallu des années pour observer, ressentir et mûrir tout cela avant d’en faire un film. Le réaliser a été à la fois un acte de mémoire et de guérison.
Le tournage a été d’une intensité incroyable, mais aussi exaltant. Nous avons tourné sur place, dans les marchés nocturnes de Taipei, ce qui signifiait qu’on avait peu de contrôle sur l’environnement. Ce chaos fait partie de l’énergie que l’on retrouve dans le film. Il reflète l’urgence émotionnelle des personnages. Je travaillais avec un calendrier très serré, des ressources limitées et une équipe restreinte mais farouchement dévouée. Chaque jour ressemblait à un miracle. La tension dans l’histoire se ressentait également dans notre processus, et elle a apporté une brutalité que je ne voulais pas lisser.
Lors du casting des trois personnages principaux, je cherchais à trouver une vérité, pas seulement une performance. J’ai beaucoup cherché à Taiwan et sur Instagram, non seulement parmi les acteurs professionnels, mais aussi dans des lieux non conventionnels. Chacune des actrices a apporté au rôle sa propre expérience de vie. Ce qui m’a attirée, c’est leur profondeur émotionnelle, leurs silences et leurs yeux. J’avais besoin d’actrices capables d’exprimer la douleur d’une génération sans toujours avoir à la verbaliser ; et je suis tellement fière de ce qu'elles ont donné. C’est leur dévouement qui a rendu ces personnages aussi vrais.