Entretien avec Roísín Burns, réalisatrice de Wonderwall

par Raphaëlle Pireyre

En une journée et une nuit, Siobhan, 8 ans, vit un récit d’apprentissage accéléré dans le quartier ouvrier de Liverpool. Dans cette Angleterre du Nord de briques rouges, la petite fille reçoit le talisman d’une fée rageuse à la chevelure rousse. À la recherche d’un écran de télé pour assister à la bataille de la britpop entre Blur et Oasis, elle suit une errance solitaire, véritable crépuscule des idoles dans un monde très masculin où règnent St Patrick, le syndicalisme et le culte du football. À la nuit tombée, elle ne reconnaît plus rien de sa ville transfigurée par les ombres et trouve  de vieux chants ouvriers, des discours de lutte sociale auxquels personne ne croit plus et une usine qui, dans la nuit, prend les airs d’un château hanté par des fantômes, chant du cygne de la culture ouvrière. 

Entretien avec Roísín Burns

Le quartier ouvrier de Liverpool

Dès le départ, j’aimais l’idée d’une petite fille qui traverse une nuit en essayant de rentrer chez elle et  qui retourne dans les lieux qu’elle connaît à la tombée de la nuit et que les endroits familiers prennent un aspect épique et inquiétant. Le film est une petite Odyssée version prolétaire et Siobhan est comme une Alice au pays des merveilles de Liverpool. Avec ses statues en fer d’Anthony Gormley sur la plage, les paysages post-industriels de Liverpool évoquent déjà le conte. Ils me renvoient aussi à ma culpabilité d’avoir quitté cette ville contrairement à mes frères qui sont restés et à qui j’ai dédié le film.J’ai écrit cette histoire à partir de souvenirs d’enfance qui me hantent, comme la rencontre avec la prostituée que j’ai réellement vécue. Je me réapproprie ma ville en y tournant des films. Les chefs opérateurs adorent sa lumière, ses ciels qui changent cinq fois dans une journée. Même si c’est toujours un risque pour les raccords, cela participe à sa poésie, à son romantisme.

La bataille de la britpop

La bataille de la britpop a été un événement marquant de mon enfance. Les médias jouaient sur la dimension symbolique de la lutte de classes dans laquelle on se reconnaissait totalement. Liam Gallagher, avec son nom irlandais, avait le même accent populaire que nous. Il était très charismatique, assumait ses origines, emmerdait les bourgeois : c’était notre héros. C’est par la musique que Siobhan connaît une sorte d’éveil politique. Le film commence par le vernis pop avec ses stars dont les têtes sont agrandies et placardées partout dans la ville pour aller vers des chansons de folklore, ancrées dans les luttes des travailleurs.

En 1995, je vivais sans percevoir la fin du monde ouvrier et l’un des derniers mouvements syndicaux des dockers. Les héros de la ville sont très masculins. Siobhan est entourée de garçons qui admirent d’autres garçons et elle est parfois exclue voire dominée.

Le casting

Je tenais à faire jouer des enfants des classes populaires, qui aient l’accent du quartier, le Scouse. Nous avons vu 800 enfants, nous avons frappé à toutes les portes des HLM, clubs de sport, associations. Tammy nous a immédiatement fascinés. Elle a un visage atypique qu’on a envie de filmer et une vie intérieure très riche. On a travaillé précisément les imitations d’Oasis, mais le jeu des enfants repose aussi beaucoup sur l’improvisation et sur leur énergie qui a rendu dingues les techniciens. Ils ont mis le chaos sur le tournage !

À la Semaine de la Critique

Wonderwall

2025

Court métrage

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