Entretien avec Martin Jauvat, réalisateur de Baise-en-ville

par Laurent Hérin

Entretien avec Martin Jauvat

Baise-en-ville apparaît comme une suite logique de vos précédents films, courts comme longs ?

On retrouve effectivement des lieux ou des situations. Je filme ce territoire que je connais comme une sorte de multiverse où les gens recroisent des endroits dans lesquels ils sont déjà passés. J’ai deux volontés qui peuvent être contradictoires : à chaque film, j’ai envie de travailler un genre différent et en même temps j’ai la volonté de continuer à tourner à Chelles, chez moi, en banlieue, avec ma bande. Mais j’ai aussi envie de travailler avec de nouvelles personnes. J’ai l’impression que ce sont toutes ces contradictions qui permettent la création. De la même façon, j’aime traiter de sujets réalistes (les start-up, les transports, etc.) avec une approche grave formaliste. Les cadres sont hyper composés, tout est esthétisé, il n’y a aucun figurant. Je suis limite maniaque ! De la même façon, les dialogues sont très écrits mais je laisse des tics de langages pour faire plus vrai. Comme dans la vraie vie finalement !

Avec une part d’autobiographie ?

Ce film retrace une période de ma vie mais avec un certain temps de digestion puisqu’elle se situe avant que je réalise Grand Paris. J’étais sans tunes, j’ai dû enchaîner les boulots en intérim et j’ai trop kiffé en fait. Derrière la galère, j’ai rencontré plein de gens avec des vies différentes. J’ai même bossé à Disney. Pour moi qui viens du 7-7, c’est hyper important. Ce parc irrigue tout le bassin autour. C’est aussi le moment où je passais le permis. Baise-en-ville est effectivement un mix de ce que j’ai vécu à ce moment-là. En fait, c’est hyper auto-biographique (rires) !

C’est aussi un film plus ancré dans le réel ?

La vie, la réalité, le quotidien sont tellement étrange que je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin d’ajouter des trucs de « ouf » comme des artefacts ou des extra-terrestre. J’ai juste essayé d’aller plus loin avec ce personnage, d’en faire un portrait un peu plus profond tout en restant léger. Je joue un personnage assez normal au milieu de gens un peu « ouf ». Je cherche de la nuance et à être attachant, cool et surprenant, tout en étant assez basique. Ça a été un gros enjeu à jouer.

Justement, acteur, réalisateur, scénariste ? Vous avez une préférence ?

Je prends un plaisir enfantin à jouer même si je trouve ça moins nourrissant. C’est plus égoïste, c’est un kiff. Réalisateur c’est grave stressant. Ma raison de vivre est de raconter des histoires donc, scénariste, j’aime beaucoup aussi même si c’est un exercice plus solitaire. En vrai, les trois me correspondent. Quand on a un univers aussi particulier que le mien, je trouve logique d’écrire, de réaliser mais aussi d’incarner un personnage.

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