Entretien avec Leonardo Martinelli, réalisateur de Samba Infinito
par Léo Ortuno
par Léo Ortuno
En recréant l’effervescence du carnaval pour raconter la solitude d’un personnage qui nettoie les rues de la ville, Samba Infinito joue brillamment des contrastes. Leonardo Martinelli orchestre un récit musical où le passé et le présent se brouillent dans une partition dansante et nostalgique. Des parades festives à l'impressionnante Bibliothèque Royale, le cinéaste dresse un magnifique portrait de Rio avec un Gilberto Gil en grand sage qui règne sur les lieux.
Entretien avec Leonardo Martinelli
Le métissage
Au Brésil, beaucoup de nos habitudes et expressions proviennent de la rencontre éclatante entre les traditions indigènes, la culture de la diaspora africaine et l’héritage de la colonisation européenne. La samba elle-même est née de ce métissage : une musique et une danse qui, parmi d’autres influences, fusionnent les percussions africaines et les cuivres du jazz. Le Carnaval n’y échappe pas, c’est un subtil métissage des influences des quatre coins du monde, réunies pour créer quelque chose d’incontestablement brésilien. Avec notre film, nous avons voulu incarner cet esprit et laisser jaillir tous ces éléments dans une histoire qui parle de perte et de résilience.
Le Carnaval
Le carnaval de rue au Brésil est une expérience intense, et on peut comprendre que ça ne soit pas fait pour tout le monde. Pour beaucoup, cela peut être le moment de leur vie où ils se retrouvent entourés du plus grand nombre de personnes au mètre carré. Les espaces publics sont envahis par la foule, la fête, la musique et le rêve. Pour moi, le carnaval représente la possibilité que la ville appartienne au peuple, ce qui n’est, malheureusement, pas toujours le cas. Dans Samba Infinito, il y a un contraste symbolique : on y voit les couleurs sobres et le labeur d’un travailleur des rues, tandis que la ville vit son moment le plus onirique. À cela s’ajoute l’histoire d’une personne confrontée à un immense deuil personnel et une réflexion sur la manière dont la ville exacerbe la profondeur de ces sentiments.
Saudade
Je pense que la nostalgie dans le film provient moins d’un désir de retour vers le passé que d’une tension poétique : la beauté et la violence de l’éphémère. La fin du Carnaval, l’absence d’un défunt et même l’urgence d’aider un enfant égaré. Gilberto Gil n’était pas seulement une référence musicale, mais aussi philosophique ; sa vision du Brésil embrasse la différence dans la contradiction, et ça a été une énorme source d’inspiration. Dans le film, nous explorons une temporalité à plusieurs niveaux, où l’on ne sait pas trop si ce que l’on voit a bel et bien lieu. J’espérais évoquer un sentiment particulier : un mot que nous avons en portuguais, “saudade”, qui exprime non seulement le fait que quelqu’un ou quelque chose nous manque, mais aussi la beauté, le souvenir, et la persistance de ce qui a disparu.
La musique et la danse
La musique et le mouvement sont au cœur de Samba Infinito, non seulement comme choix esthétiques, mais aussi comme langages émotionnels. L’un de nos objectifs était de capturer la manière dont les personnes se comportent dans l'espace public, comment ils dérivent, se heurtent, font la fête ou s’isolent. Il était important pour nous de travailler avec les interprètes qui comprennent l’énergie du carnaval et qui puissent incarner à la fois la joie et la mélancolie à travers le mouvement. En ce qui concerne la musique, nous avons cherché à l'utiliser de différentes manières : du son non diégétique aux performances en direct dans les scènes, jusqu’à une véritable percée musicale. Je crois que ces éléments musicaux, entremêlés à la chorégraphie, ouvrent de nouvelles possibilités pour exprimer les émotions que nous voulons transmettre.