Entretien avec Laura Wandel, réalisatrice de L'intérêt d'Adam

par Ava Cahen

Après Un monde (2021), la réalisatrice belge Laura Wandel poursuit son examen sensible de la question du bien-être et de la santé des enfants à travers une étude de cas complexe, brisant des tabous sociétaux coriaces. 

Entretien avec Laura Wandel 

Je me sentais attirée par le monde de la pédiatrie, et sa pratique à l'hôpital. Comme pour mon précédent film, j’ai eu besoin d’aller sur place pour me documenter et me confronter à la réalité du terrain. Plusieurs hôpitaux ont refusé ma demande, avant que j’obtienne l’autorisation de l'hôpital Saint-Pierre, où je me suis rendue plusieurs semaines durant. J’ai été partout, dans tous les pôles de l’unité pédiatrique, aux urgences, aux consultations, aux réunions. J’ai également assisté à des audiences et rencontré une juge de la protection de la jeunesse qui a, par la suite, lu le scénario et m’a fait des retours capitaux. 

Cette immersion m’a aidée à mieux comprendre combien le médical, le social et le judiciaire sont imbriqués et combien la question du bien-être de l’enfant est en réalité indissociable du rapport avec le parent. Prendre soin de l’enfant, c’est aussi prendre soin du parent. C’est ce qu’essaie de mettre en pratique Lucy, l’infirmière jouée par Léa Drucker, et je dis bien qu’elle essaie, parce que hiérarchie et bureaucratie lui donnent du fil à retordre. J’ai choisi d’adopter son point de vue parce qu’il me paraissait pertinent d’être dans le regard d’une femme qui, n’étant pas au sommet de la hierarchie, est limitée dans son champ d’action et d’intervention. L’état dans lequel se retrouve Lucy est significatif de l’état d’urgence dans lequel se trouve le monde médical, qui manque de ressources financières et humaines, mais aussi d’espace et de temps. Ce que je voulais montrer, c’est avant tout la rapidité avec laquelle une situation peut s’enflammer quand il est question de maltraitances infantiles. C’est évidemment très rassurant, mais dans certains cas, comme celui d’Adam et de sa mère, la précipitation des décisions de justice a des conséquences sur la vie-même de l’enfant. 

Le personnage de la mère d’Adam m’a été inspiré par plusieurs cas dont m’ont parlé des médecins et pédiatres. Je ne voulais surtout pas juger Rebecca, interprétée par Anamaria Vartolomei, ou même faire peser sur elle une forme de fatalité ou un déterminisme quelconque. Ça aurait été injuste et arbitraire. De mon point de vue, c’est une femme terrifiée qui, inconsciemment, crie à l’aide. D’une certaine façon, Lucy et Rebecca sont chacune laissées pour compte. La précarité du système avec lequel elles sont aux prises les dévore et les contraint l’une et l’autre. Le film a plusieurs strates et tente de raconter, à travers les personnages et les rôles qu’ils tiennent, les conflits et dilemmes que génère l'intérêt d'Adam.