Comme votre court-métrage Junior, Grave met en scène la mue d’une jeune fille qui entretient un rapport à la fois fusionnel et conflictuel avec sa sœur.
Au terme « mue », je préfère celui, plus « cronenbergien », de « mutation ». Junior parlait d’un garçon manqué qui devenait fille et Grave d’une fille qui devient femme. Le plus drôle, c’est qu’à l’écriture, j’ai mis beaucoup de temps à comprendre que Justine et Alexia étaient sœurs. Leur relation était identique mais, au départ, Alexia faisait juste partie des filles du campus. Et un jour, ça a fait tilt. D’autant que l’une de mes premières références pour ce film, c’était Abel et Caïn. Je voulais traiter de l’amour fraternel dans ce qu’il a de dévorant et vengeur.

Pourquoi une école vétérinaire ?
Parce que le cannibalisme en école de médecine, c’était trop facile : Justine serait descendue à la morgue tous les soirs. Et je ne voulais pas qu’on la voie tout le temps bouffer des cadavres. L’école véto me permettait le parallèle entre l’homme et l’animal. Ma mère est gynéco et mon père, dermato. Cela explique beaucoup de choses quand on voit mes films, dont mon intérêt pour l’horreur organique.

Vous aimez malmener la notion de genre, aussi bien sexuel que cinématographique.
J’aime la circulation, que les personnages ne soient pas rangés dans des cases. Moi-même, je n’ai jamais eu le sentiment d’appartenir à un sexe, j’ai l’impression de pouvoir être masculine comme très féminine. Mes films, je les vois comme des cross-over : comédie, drame, horreur. Dans la tragédie grecque, il y a tout ça. Les plans larges sur les bizuts qui se réunissent à la fin sont ma manière de faire jouer le chœur antique. Grave a un aspect léger, un côté « teen-movie » avec de l’humour mais il met en scène une forme de damnation. C’est aussi ce qui m’intéressait : la création d’une identité morale au sein d’une perversion.