« Avant même qu’il y ait une idée de film, il y avait la certitude de vouloir travailler de concert avec Jonathan Couzinié et Antonia Buresi, de poursuivre notre aventure commencée avec nos courts. C’était la condition initiale. La deuxième, c’était la volonté de rester fidèle à notre vision et façon de faire du cinéma, en contournant les enjeux financiers et la pression qu’ils mettent. Il fallait que l’histoire entre dans une économie légère. On a écrit, tourné et monté le film en 12 mois.

Pour aller plus vite, on a décidé de mettre notre groupe en scène. On a ainsi gagné du temps sur les personnages et le concept même du film. Ce qui était sec à l’écriture s’est enrichi au tournage, par la mise en situation, l’incarnation, le jeu de rôles. Le scénario était une boussole, on a travaillé à partir des repères qu’il fournissait, et composé avec des contraintes sur place. J’aurais voulu tourner en intégralité à Srebrenica et dans sa région - qui est la partie orientale de la Bosnie -, mais c’était quasi impossible, alors nous nous sommes déplacés vers la banlieue de Sarajevo.

J’entends parler de la guerre de Bosnie-Herzégovine depuis mon enfance. Son souvenir est resté gravé en moi, comme celui d’un choc pas que virtuel. Ces années-là - celles du conflit - précèdent ma vie d’adulte et ma vie de cinéaste. Je crois que le film fait le pont entre ces deux états, l’enfance et ses croyances, et la vie adulte et ses réalités. De manière plus universelle et moins personnelle, cette guerre incarne aussi l’effondrement d’une certaine idée de l’Europe. Pendant cinq ans, on a laissé un pays entier se déchirer et se massacrer, au sein même de l’Europe, sans agir. Il est aujourd’hui encore hanté par ses morts.

J’ai mis du temps à arriver au cinéma, à trouver ma place. Le film prend la forme d’un acte de foi. L’un des principaux sujets est l’amitié, celle qui lie les personnages de Joachim et Alice. Joachim est malade, il se sait condamné. Alice, par le biais du cinéma, lui offre l’histoire dont il est le héros, et, au cinéma, les héros ne meurent jamais. C’est une manière de se réconcilier avec sa propre pérennité. »