« Au départ, il y avait l'envie d'écrire un portrait de femme. De rester collé à un personnage, de traverser avec elle des états, mais aussi des espaces différents. Esther traverse la France du sud au nord, elle est sans terre, sans racine. Avec ce corps de femme et sa sexualité, je voulais filmer une solitude et une force mêlées. Saisir une éclosion et non un effondrement. Mon héroïne arrive ultra-sexuée dans l'histoire mais ne s'empare d'elle-même que bien plus tard, dans une dématérialisation de son corps. En cela le film va à rebours du "coming-of-age movie" habituel. Confronter l'hyper-modernité d'une post-ado qui commence par se faire cracher dans la bouche et qui plus tard entre au couvent, m'intéressait. En convoquant le(s) trouble(s) que trimballe cette jeune femme en construction, j’ai refusé les étiquettes. Il y a du religieux mais pas d'épiphanie mystique pour Esther, son identité sexuelle n'est pas dite, mais elle est bien dans la fascination d'une autre, de l'autre. Esther est en capacité d'amour total malgré les brûlures de sa jeune vie et en cela elle est un personnage qui croit et se meut parce qu'elle croit. La notion de mobilité était au cœur de la mise en scène. D’où le choix du scope pour s'imprégner avec le personnage des lieux multiples qu'elle traverse, mais aussi alterner entre fixité et caméra épaule, selon les rencontres qu'elle fait et son état intérieur. Tallulah Cassavetti qui joue le rôle d'Esther est une jeune actrice très physique, dont le corps parle sans les mots, ce qui était un enjeu pour le rôle, peu bavard. Grande richesse pour moi de la voir se servir des lieux et des situations pour ne répondre le plus souvent que par le regard. »