Entretien avec Guil Sela, réalisateur de No Skate!
par Grégory Coutaut
par Grégory Coutaut
Que faisiez-vous pendant les Jeux Olympiques de Paris ? Loin des épreuves majestueuses et médiatiques, Isaac et Cleo tentent tant bien que mal de faire de la pub pour les baignades dans la Seine. Leur déambulation à travers la foule parisienne zigzague à travers différents tons, de la chaleureuse comédie romantique au gag absurde. Lauréat de l'édition 2024 avec Montsouris, Guil Sela et ses deux formidables interprètes composent une irrésistible partie de jeu de l'oie improvisée et filmée à la caméra cachée, avec comme boussole un seul mot d'ordre : surtout pas de skateboard!
Entretien avec Guil Sela
Filmer les Jeux Olympiques... mais de loin
Paris a été tellement photographiée, tellement filmée, qu'il est délicat d'en raconter quelque chose de nouveau. C'est peut-être pour cela que j'ai été excité par l'idée que les Jeux Olympiques s'y déroulent, me donnant enfin à voir ma ville sous un visage nouveau. Il est important pour moi de laisser de la place au public, de ne pas trop décider à sa place ce qu'il doit regarder ou pas, de ne pas décider ce qui est important pour lui ou pas (d'où mon horreur des flous d'arrière-plan). Me mettre assez loin de l'action et filmer en longue focale place les spectatrices et spectateurs dans une position de témoin qui glane ce qu'il peut d'une situation. Il me semble que cela ressemble à la manière dont les gens s'observent dans la vie.
Des dialogues improvisés
J'ai eu la chance de travailler pour ce film avec deux comédiens géniaux, drôles et généreux. Lorsque j'avais des doutes sur ce nouveau film, moins formel, plus difficile à fabriquer que Montsouris, je me réfugiais dans le travail avec les acteurs. De ma courte expérience, j'ai toujours trouvé qu'un scénario sonnait faux et imprécis s'il était juste plaqué dans la bouche d'acteurs. Nous avons beaucoup improvisé pendant les répétitions car l'instinct me semble meilleur dialoguiste que la raison. Puis, j'ai décidé de tourner le film avec une caméra numérique afin que les comédiens puissent à nouveau improviser sur le tournage. C'est la première fois dans un de mes films qu'autant de moments improvisés survivent à l'épreuve impitoyable du montage. Il y a des moments que j'aime beaucoup et que je n'aurais jamais eu l'audace ou la bêtise d'écrire. Nous avons aussi travaillé avec des oreillettes pour certaines scènes, notamment celle où le protagoniste travaille au milieu de la foule.
Une comédie au sous texte politique
Ces JO de Paris se sont retrouvés au centre de nombreuses discussions politiques que j'ai vécues comme un tiraillement car je suis un grand passionné de sport depuis mon enfance, mais qu'il est impossible de nier les aspects dommageables des JO de Paris ; sur l'environnement, sur la vie des sans-abris qui ont été déplacés pour l'occasion, ainsi que concernant des questions plus incongrues, auxquelles le grand public ne pense pas forcément, comme celle que j'ai tenu à évoquer avec humour du remplacement du karaté par le skate. J'ai tenu à ce que le contexte politique reste présent dans les marges de l'histoire, à travers les graffitis, les affiches anti-JO que notre cheffe décoratrice a accrochées par-ci par-là, à travers aussi les jobs d'homme et femme sandwich des protagonistes, embauchés par la mairie pour promouvoir cette promesse politique absurde de baignade dans la Seine, et les petites (mais on ne peut plus profondes) râleries caractéristiques des Parisiens au début du film.
Et le skate dans tout ça ?
Je dois avouer que j'aime de plus en plus ce sport. Je suis admiratif des skateurs, qui passent leur journée à se casser la figure et qui ont passé leur enfance dehors à parler avec tout le monde. En fait je crois que j'aurais adoré être un skateur.