« Je suis parti d’un personnage, de sensations. Un jeune homme à la fois libre et solitaire, en quête d’amour. Un jeune homme "hors du monde", qui ne se soucie absolument pas de la vie matérielle. Il m’est apparu la figure de ce garçon des rues qui vend son corps. J’ai écrit un premier texte, en me laissant guider par la force de ce personnage ; une fois la trame narrative établie, je suis allé, dans le cadre d’une association, à la rencontre des garçons du Bois de Boulogne, avec qui j’ai passé trois ans pendant lesquels, au gré des rencontres, des échanges, je nourrissais en permanence l’écriture.

J’ai voulu montrer, concrètement, la réalité de la vie de ces garçons, ces travailleurs "invisibles", dont on connaît l’existence, sans savoir précisément à quoi ressemble leur quotidien.

Au cœur de cette écriture et plus tard du tournage, il y avait le corps souffrant, malmené, mal nourri, des garçons qui vivent dans la rue ; un corps, qui, paradoxalement, doit rester un objet de désir.

Je voulais un dispositif de filmage instinctif, sensoriel, qui permette de rester au plus proche de ces hommes, de faire corps avec eux afin de saisir la vie, la fulgurance, la violence de ce monde "dont la société s’est retirée". Cette proximité me permettait aussi de capter la fragilité du personnage principal, de saisir les bribes de ses émotions, de sa sensibilité, la poésie de ses errances.

Sauvage, c’est bien sûr le personnage, qui n’est attaché à rien de matériel, qui refuse d’être domestiqué. C’est un personnage qui a une grande part d’animalité. Nous avons beaucoup travaillé sur cet aspect avec Félix Maritaud. »