Entretien avec Alice Douard, réalisatrice de Des preuves d'amour

par Chloé Caye

Entretien avec Alice Douard

L’intrigue et la structure du film reposent sur les étapes d’une démarche juridique que les personnages doivent compléter. Comment vous êtes-vous familiarisée avec cette procédure ?

J’ai fait ce parcours d’adoption avec ma fille, que ma femme a portée en 2018. J’avais envie d’aborder cette partie juridique en la confrontant à l’intime parce que tout cela me semblait très romanesque. Cette construction d’un dossier est un peu comme l’écriture d’un scénario : elles recréent leur couple aux yeux de la justice. Cela pouvait donc devenir le fil conducteur d’une intrigue autour de la question de la co-maternité. Le film commence pendant la grossesse et se termine à l’accouchement. On part d’une histoire très spécifique - deux femmes font un enfant - pour arriver à quelque chose de tout à fait universel : quel parent va-t-on devenir ? Comment va-t-on aimer ? Faut-il se réconcilier avec nos propres parents ? 

Au cœur des Preuves d’amour, il y a un duo central d’interprètes rayonnantes, comment les avez-vous choisies et assemblées ? 

J’ai écrit le personnage de Céline en pensant à Ella Rumpf. Il fallait une actrice avec une grande intériorité, sur laquelle on puisse projeter. Ella c’est un regard, une présence, une aura ; elle a quelque chose de presque hollywoodien. La difficulté a été de l’associer avec une autre actrice car je voulais qu’elles puissent exister toutes les deux à l’écran aussi bien indépendamment qu’ensemble. Et avec Monia Chokri, qui est extrêmement singulière, y a eu une vraie complicité, presque une alchimie, avec Ella.

Étant donné les thématiques abordées par le film, le registre comique n’apparait pas forcément comme une évidence. Pourquoi avoir choisi cette tonalité très joyeuse ?

Quand je l’ai vécue, la recherche de témoignages nous emmenait dans des situations assez cocasses. Les gens se permettaient de dire des choses qui, parfois, nous sidéraient. Mais c’était toujours avec maladresse et jamais avec méchanceté. J’avais aussi envie de faire une comédie sur ce sujet pour déplacer l’humeur qui accompagne souvent les représentations homosexuelles. Les films LGBT+ sont régulièrement, et à raison, durs ou tristes. Notre proposition était de faire un film tourné vers la joie, vers la vie. Mon ambition profonde serait que quelqu’un qui a fait les manifestations pour tous en 2013 admette qu’il s’est trompé. Ça n’est pas un film qui cherche à réactiver un conflit. Au contraire, j’aimerais une réconciliation. C’est une œuvre qui veut montrer la vérité, loin de ce qui était scandé dans les manifestations. La vérité c’est celle-ci : des gens qui s’aiment et des gens qui doutent. L’intelligence c’est de savoir changer d’avis, changer de regard. Ça peut se faire dans la lutte et la violence, et j’ai participé à ces mouvements là, mais ça peut aussi se faire dans le temps et dans l’écoute. C’est pour ça que nous voulions faire un film populaire et fédérateur.