À propos de Prava istina priče šori

par Thomas Fouet

Le film d'Andrea Slavicek déploie sa narration inventive, faite de saynètes concises, de ruptures de ton et d'adresses à la caméra, pour capter tout à la fois un certain esprit de l'adolescence – l'école, ses codes, ses hiérarchies, sa violence... – et la subjectivité d'un personnage singulier. Par-delà la légèreté du trait, l'insolence de l'esprit et la cocasserie de certaines scènes, affleure toutefois un sous-texte d'une noirceur d'autant plus saisissante qu'elle n'est que suggérée.

Entretien avec Andrea Slaviček

« Lena, la protagoniste, nous entraîne dans son monde d’adolescente, intense et pénible. Je voulais capturer les temps forts de cet âge, ceux qui ont forgé mes souvenirs ; ces moments vrais, peuplés de personnages étranges qui ont été modifiés pour les besoins de la narration, mais qui ont servi de base pour développer les personnages et leur environnement. L’intensité qu’on ressentait surtout, et l’importance qu’on apportait à ces événements, somme toute insignifiants. C’est aussi le point de vue d’une femme sur la violence de ses camarades, de la hiérarchie scolaire, et nos tentatives à nous conformer aux codes afin de ne pas perdre la face. 

Mais, comme dans la vraie vie, ce qui est tu révèle souvent davantage que ce qui est dit… C’est cela qui m’a amené à une forme qui veut imiter le processus de pensée du personnage. La structure déconstruit l’aspect linéaire, la chronologie des événements, elle s’enracine dans les pensées et les sentiments de la protagoniste, Lena. L’idée est qu’on ne peut compter sur la structure principale, elle induit le spectateur en erreur, contrairement à ce qui affleure sous la surface et que Lena refuse de montrer. 

Dans le film, j’ai utilisé l’histoire du film en inversant son utilisation habituelle, c’est-à-dire de s’en servir pour guider le spectateur dans la bonne direction. Par cette forme, j’ai voulu créer une personnalité solaire et drôle ; la meilleure façon de faire le portrait de quelqu’un devrait être de montrer comment fonctionne son esprit. Et j’ai fait exprès d’accentuer cela le plus possible afin qu’il contraste au maximum avec l’intrigue secondaire. Souvent, ce qui m’a guidé n’a pas tant été d’essayer de décrire la réalité mais plutôt l’expérience subjective de la protagoniste.

La préparation et la post-production ont pris beaucoup de temps. Comme beaucoup des comédiens étaient des enfants non-professionnels, notre souci principal a été qu’ils interagissent entre eux. On a beaucoup répété ; ils n’avaient pas le scénario en amont, je faisais donc des exercices très particuliers pour chaque scène. Je crois que ça leur a permis de se détendre. »