À propos de La fille de son père

par Frédéric Mercier

Seize ans ont passé depuis que Valérie est partie, laissant Etienne seul avec Rosa, leur fille. Celle-ci est dorénavant sur le point de quitter le foyer pour débuter ses études dans une autre ville quand Etienne retrouve par hasard la trace de Valérie. Depuis qu’il a été contraint d’élever seul Rosa, Etienne n’a jamais fait de ce trauma un drame. Erwan Le Duc non plus. Se réinventant à chaque scène, il trouve un ton unique pour narrer ce récit d’une séparation filiale à la manière d’un poème épique en miniature.   

Entretien avec Erwan Le Duc

« Je prends beaucoup de notes. Parfois, il s’agit de scènes, de situations, d’images, de thèmes. Au fur et à mesure, j’accumule tout ça et j’essaye de les mélanger ensemble. Je me suis rendu compte qu’une figure déjà présente dans Perdrix, mon premier film, réapparaissait : celle du père célibataire élevant seul sa fille adolescente. Elle souhaitait partir en pension et se demandait comment le quitter sans l’abandonner. J’ai voulu poursuivre cette thématique. J’avais envie d’explorer en profondeur cet amour inconditionnel entre un parent et son enfant et comprendre d’où vient l’emprise qu’ils exercent l’un sur l’autre. » 

« Je ne voulais pas faire de cet abandon l’histoire d’un effondrement. C’est plutôt le récit d’un bouleversement. Ce sont deux personnes heureuses. Ils n’ont pas été détruits par ce qu’ils ont vécu. Ils ne se sont jamais construits contre cette mère absente mais ils ont su s’inventer à côté. Peut-être ont-ils nié un peu la réalité et c’est cela qui va remonter à la surface avec la réapparition de la mère. Mais ce n’est pas le point central. Le plus important était de parvenir à raconter de façon sentimentale comment deux êtres réussissent à se séparer sans tout casser. Ou comment on fait la révolution sans couper de tête. »

« La forme m’intéresse beaucoup. J’ai besoin de spontanéité, de vitalité, d’énergie. Avec l’équipe et les comédiens, nous prenions des risques à chaque scène. Tous les comédiens de ce film sont très expressifs et très physiques. On essaye toutes sortes d’idées tout le temps. Pour le début, j’avais rêvé d'une séquence d’ouverture à la fois opératique et de film d’aventures où l’on raconte beaucoup avec des images, des corps en mouvement et des gestes. Je ne savais pas comment y parvenir. On a essayé des tas d’idées au montage jusqu’à ce qu’arrive la musique lyrique de Julie Roué. Soudain, elle a donné de la réalité au mouvement et concrétisé l’idée que j’avais en tête. » 







À la Semaine de la Critique