À propos de Krokodyl

par Léo Ortuno

À travers un personnage dérangeant, dont les pulsions de violence explosent et se contiennent dans un même geste, Dawid Bodzak signe un giallo aussi sophistiqué que chaotique. Ce “Crocodile” troque ses écailles pour faire un grand écart entre le grain de la pellicule et l’imagerie léchée du jeu vidéo. Il abandonne son vert aquatique pour baigner dans des lumières rouges, violettes et roses, envahissant le film au rythme d’une musique dissonante, qui accompagne ce récit d’une efficacité redoutable et ambigüe. 

Entretien avec Dawid Bodzak

« Pendant le confinement instauré en réponse à la pandémie, ma petite copine et moi sommes restés enfermés des mois dans un appartement, terriblement frustrés. J’ai ressenti le besoin d‘exorciser cette énergie ; j’ai donc commencé à écrire des longs monologues internes, je ne voulais pas me concentrer sur la construction de scènes, mais me soulager. Quand le confinement a été levé et qu’on a enfin pu se mettre à travailler son mon film de fin d’études, j’ai tenté de transformer ces monologues anti-dramatiques en film. Donc j’ai cherché un « vecteur » pour ces sujets et les personnages qui se cachaient dans le texte, une forme et un genre de film qui pourraient m'aider à transformer cette vie intérieure en un film extériorisé. L’une des décisions les plus importantes que j’ai prise a été d’utiliser les thèmes et les clichés des gialli. La caractéristique majeure des gialli est qu’ils utilisent la lumière, les mouvements de caméra et tous les moyens cinématographiques pour rendre la violence esthétique. Si j’ai utilisé les mêmes motifs dans les scènes de violence dans Le Crocodile, mon but était de rendre les scènes, non pas simplement esthétiques, mais grotesques.»  

Jeu vidéo

« Le jeu que Vous pouvez voir dans le film a été conçu spécialement pour ce film. Il a été créé afin qu’on puisse garder les images du gameplay pour les utiliser dans le film. Dans les jeux, c’est Vous qui contrôlez le personnage, vous pouvez faire vivre des expériences qui ne sont pas possibles dans la vraie vie, et ce en toute sécurité. J’y ai trouvé une formidable métaphore pour le subconscient, un endroit « de l’autre côté du miroir » ; un miroir qu’on traverse dans le film, justement.»

Violence 

« Dans Krokodyl, les pulsions violentes expriment la vie intérieure du protagoniste. Je ne qualifierais pas ces scènes de fantasmes, mais plutôt de manifestations ou de métaphores, parce que, selon moi, les fantasmes sont plus conscients et moins réalistes. À travers ses « élans de violence » je voulais exprimer cet inconscient et nous emmener aux confins de la réalité. 

La frustration est un monstre qui s’amplifie et qui s’échappe de manière inattendue, et à des moments inopinés.»