À la rencontre des films

par Charles Tesson

Quelle joie, après une édition hors les murs, de retrouver le Festival de Cannes sur la Croisette pour y célébrer la 60ème édition de la Semaine de la Critique dans une salle Miramar entièrement rénovée.

Entrer dans une salle de cinéma, se mettre en disposition de recevoir un film, de le laisser venir à vous, en vous, est une démarche motivée par l’espoir d‘une vraie rencontre, afin de vivre cette expérience le temps du film, d’en garder le souvenir et de vivre en sa compagnie.

Ce rendez-vous avec les films de la 60ème édition est placé sous le signe de la rencontre. Avec Robuste de Constance Meyer, la rencontre sous forme de force d’attraction entre deux planètes, deux mondes, dont le centre de gravité (un acteur joué par Gérard Depardieu) va être perturbé par celle qui gravite autour : Déborah Lukumuena, chargée de sa sécurité. Dans Une histoire d’amour et de désir de Leyla Bouzid, la rencontre amoureuse entre deux jeunes étudiants originaires d’un même pays mais de mondes différents qui vont se découvrir par la médiation de la littérature arabe célébrant l’amour et les plaisirs de la vie. Pour le garçon de Petite nature de Samuel Theis, la rencontre déterminante avec l’école et son enseignant (Antoine Reinartz) qui vont cristalliser l’aspiration à une autre vie, ailleurs, autrement. Dans Libertad de Clara Roquet, l’amitié naissante entre deux jeunes filles, dont l’une est la fille de l’employée de maison, va se confronter au mur de la condition sociale. En revanche, Olga d’Elie Grappe est le récit d’un éloignement sur fond d’engagement, politique pour la mère journaliste à Kiev et sportif pour sa fille Olga, gymnaste s’entraînant en Suisse. Rencontre réinventée par l’échange à distance, leur destin parallèle, qui renforcera leur lien.

Tout désir de rencontre a son possible revers : absence, manque, privation de l’autre. Dans Bruno Reidal de Vincent Le Port, cette confrontation à l’autre, destructrice (crime, sexualité et religion), devient une rencontre avec soi-même sous la forme d’une auto-analyse écrite et lue à voix haute : « Le journal d’un criminel de campagne ». De son côté, la mère de Amparo de Simón Mesa Soto fera tout pour retrouver son fils enlevé et recruté de force dans l’armée tout comme la jeune mère de Piccolo Corpo de Laura Samani se bat contre la fatalité et le dogme pour offrir un enterrement religieux à son enfant mort-né. Quant à l’épouse et mère de famille de Feathers d’Omar El Zohairy, elle perd son mari pour le revoir transformé en poulet suite à un tour de magie. Rencontre d’un autre type, puisqu’il est toujours là, dans l’animal, et plus là, dans son rôle, en tant que mari et chargé de famille. Quant à l’épreuve que surmonte le héros de The Gravedigger’s Wife de Khadar Ayderus Ahmed, elle le conduit à se retrouver autrement à travers l’être aimé. Adèle Exachorpoulos, la jeune héroïne de Rien à foutre de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre se jette à corps perdu et pieds et poings liés dans le métier d’hôtesse de l’air d’une compagnie low cost. Fuite dans l’ailleurs, pour ne plus rencontrer l’ici : dans ma tête un rond-point. Le beau titre du film de Sandrine Kiberlain, interprété par Rebecca Marder, résonne comme une phrase inachevée ou interrompue. Une jeune fille qui va bien… dans un monde qui tourne mal, le film étant le récit bouleversant de cette douloureuse et irrévocable rencontre.

Et pour conclure ce carrousel de rencontres sous toutes leurs formes, Les Amours d’Anaïs de Charline Bourgeois-Tacquet avec Anaïs Demoustier, la quête amoureuse, encore et toujours, son élan irrésistible et joyeux, l’amour qui donne des ailes pour voltiger au sein du triangle amoureux classique, au fil de rencontres désirées ou improbables, entre esprit d’escalier et renvoi d’ascenseur. Rendez-vous à la salle Miramar, joli endroit pour de si belles rencontres.


Charles Tesson
Délégué général
Semaine de la Critique