60 ans d'avenirs

Woman at War (Kona Fer I Strid)


Seul(e) contre tous

par Ariane Allard

Porté par une super-héroïne détonante, Woman at War a charmé, ravi ou stupéfié les festivaliers lors de l’édition 2018 de la Semaine de la critique. Tel un grand bol d’air frais. Retour grisé sur cette fable écolo islandaise, désarmante d’humour et d’acuité…

Voilà un film qui ne manque pas d’air, à l’image de son auteur-réalisateur-producteur Benedikt Erlingsson ! Réjouissant conteur, il choisit de nicher sa nouvelle saga dans les vivifiantes Hautes Terres d’Islande. De quoi nous en mettre plein les mirettes, mais pas que… Par-delà la beauté panoramique de ses paysages, Woman at War donne à voir une héroïne et un combat détonants. Nul hasard s’il a trouvé sa juste place en compétition, puis reçu le prix SACD, lors de l’édition 2018 de la Semaine de la critique ! Le deuxième opus d’Erlingsson, après le remarqué Des chevaux et des hommes en 2013, est unique. Franchement singulier. Raison pour laquelle il ne pouvait pas ne pas figurer à notre tableau d’honneur…

Haute tension

Prenez sa séquence d’ouverture. Mémorable, elle nous plonge immédiatement dans l’ambiance en saisissant une femme déterminée, mi-amazone mi-girl scout, en train de dégommer des lignes à haute tension avec un câble… « Sabotage ! », s’époumone la maréchaussée locale en déroute, bien que pourvue d’hélicos, de drones et de chiens renifleurs. De fait, la longue dame brune n’a de cesse qu’elle n’ait bloqué la production d’une usine d’un géant de l’aluminium. Dénonçant, par là même, les ravages de l’industrie lourde sur l’environnement, en Islande et partout dans le monde. En clair, Halla, puisque c’est son nom, est une guerrière, et Woman at War, une fable écolo désarmante d’humour et d’acuité.

Précisément, elle carbure tout le long au mélange, oscillant entre burlesque et politique, poésie et film d’action, légèreté et gravité. Bien sûr, c’est d’abord ce côté décalé et fugueur qui retient l’attention. Difficile, ainsi, de ne pas s’amuser des prestations pince-sans-rire d’une fanfare jazzy, ou d’un chœur de femmes ukrainiennes, qui ponctuent à maintes reprises les méfaits d’Halla. Facétieux outils de distanciation. Pour autant, le cinéma joueur du sympathique Benedikt ne perd jamais son message (ni son récit) en chemin. C’est aussi cela qui le rend stimulant. Différent. Pour preuve, sa dernière et belle séquence qui nous rappelle, après bien des rebondissements, combien l’interférence de l’homme sur la nature peut être dévastatrice…

Doña Quichotte

Reste que la première cartouche de Woman at War, celle qui nous touche au cœur, est bien sa « super-héroïne » (formidablement incarnée par la décoiffante Halldòra Geirhardsdòttir). La cinquantaine tonique, Halla s’affiche comme une cheffe de chœur attentive (c’est son métier), une jumelle émancipée (sa sœur est encore plus barrée qu’elle) et une activiste en proie à des choix cruciaux. Entre deux tracts et trois courses-poursuites, cette Doña Quichotte islandaise attend de savoir, en effet, si elle peut adopter une petite fille en Ukraine… En bref, Halla est une protagoniste à la fois ordinaire et complexe, donc méga-attachante. Sans discours ni trompette, elle célèbre, in fine, une figure féminine – mûrissante et rayonnante, indépendante et casse-cou - encore trop peu montrée au cinéma. Voire tout à fait invisible. Raccord avec ce film joyeusement engagé. Un grand bol d’air frais, on vous disait….