Oui, Cannes, Semaine de la Critique, mon premier film.

Mais c'était ma quatrième fois au festival. Y étais venu en 1978 et 79 pour vendre des magazines, dans les rue et sur les plages. Vente à la criée (mais ne criant pas, ai très peu vendu). J'y avais découvert Fassbinder et croisé Chantal Akerman, son sourire merveilleux (mais elle ne m'avait pas acheté un de mes numéros 300 des Cahiers du Cinéma, Spécial Jean-Luc Godard —elle l'avait déjà). Y étais revenu en autostop en 1980, avec mon ami Élie Poicard, pour voir Sauve qui peut (la vie) et The Big Red One.

1984, donc. L'hôtel était assez éloigné de la croisette, sur un grand boulevard au-delà de la gare. Aucun souvenir d'avoir parlé du film, ni d'avoir rencontré quiconque. Sauf, le dernier jour, une fille avec qui j'étais au lycée, devenue journaliste (on n'avait jamais échangé un mot —mais comment elle, à l'époque si fine et insolente, était-elle si vite devenue cette petite professionnelle rangée?) 

J'étais sûrement content que le film soit là. J'étais jeune (mon film a d'ailleurs reçu le Prix de la Jeunesse; ai reçu le même prix pour Holy Motors—30 ans plus tard. La jeunesse n'a pas de prix)

Me souviens avoir aimé un film présenté cette année-là, en noir & blanc lui aussi: Stranger Than Paradise, de Jim Jarmush. Sentiment que c'était là un vrai film, alors que le mien faisait semblant.

La Semaine de la Critique (drôle d'intitulé; pourquoi pas: Semaine du Châtiment?) a donc 60 ans. Comme moi. Et comme aurait dit Tom Lehrer (cité dans Boy Meets Girl, puis Annette): "Et dire que quand Mozart avait notre âge, il était déjà mort depuis 25 ans".

Merde & courage aux futurs critiqués.