À propos de Les Reines du drame

par Perrine Quennesson

Entretien avec Alexis Langlois 

Comment sont nées Les Reines du drame

Le film est inspiré d’une histoire amoureuse que j’ai eue par le passé. A l’instar de mes deux héroïnes, Mimi Madamour et Billie Kohler, nous avions ce même rapport où s’entremêle admiration, rivalité et conflit de classe. L’amour était fou, mais il nous était impossible d’être ensemble. Quand la relation a pris fin, plutôt que de sombrer dans des abîmes de chagrin, j’ai préféré la sublimer. J’ai pu y ajouter mes angoisses, mes envies. Transposer cette histoire dans le milieu de la musique était, à la fois, une façon de prendre des distances, d’être pudique, tout en étant plus sincère dans l’expression des sentiments. De plus, j’ai une passion pour les comédies musicales donc c’était l’occasion d’explorer ce genre-là. 

 

Quelles comédies musicales vous inspirent? 

Il y en a tellement! Je pense évidemment à celles de Bob Fosse, et en particulier à All that jazz. Frank Tashlin, qui ne fait pas réellement de comédies musicales mais où la musique à une place essentielle. D’ailleurs son film, La blonde et moi a été une réelle source d’inspiration pour Les reines du drame. Je peux aussi citer, Jacques Demy et Vincente Minnelli, évidemment, mais je suis également passionné·e de Golden Eighties de Chantal Akerman ou encore, et cela semble évident quand on voit mon film, de Phantom of the Paradise de Brian de Palma. En fait, ce que j’aime dans les comédies musicales, c’est cette possibilité, un peu comme avec une tirade au théâtre, d’accéder directement aux émotions des personnages. Chaque chanson est un coeur ouvert et je trouve ça merveilleux. On peut tout se permettre avec la comédie musicale, c’est formel avant toute chose, il n’y a pas d’obligation du réel, le glissement est permanent. La seule condition c'est de toujours épouser les émotions des personnages. 

 

Les reines du drame se déroule dans les années 2000, on y retrouve des figures, des moments qui nous font penser autant à Lorie qu’à Britney Spears ou Ophélie Winter… 

J’ai grandi avec ces images, avec ces figures. Il faut dire aussi que je viens d’un milieu très peu cinéphile. Je suis arrivé·e au cinéma par la télévision, par les clips notamment, considérée comme moins noble. Ce n’est que dans un deuxième temps que j’ai construit ma cinéphilie. Donc, mêler ces références, à la fois du 7e art et de la pop culture télévisuelle, en particulier américaine, qui a inondé ma jeunesse, c’est une manière de concilier ces deux parties de moi. Par ailleurs, placer Les reines du drame dans les années 2000, d’en faire aussi une sorte de conte, était une manière de mieux faire résonner notre époque sur des questions qu’on a l’impression d’avoir plus ou moins réglées... 

Les reines du drame est une redoutable machine à tubes. Comment s’est déroulée la collaboration avec Rebeka Warior et Yelle? 

J’avais déjà travaillé avec Rebeka sur un de mes courts métrages. Et le personnage de Billie est, notamment, inspiré d’elle. De plus, son groupe Sexy Sushi était l’un des fers de lance de l’électro des années 2000. Il me semblait tout naturel de collaborer avec elle sur les chansons de Billie. Pour Mimi Madamour, je cherchais qui était l’artiste française capable à la fois de mélodies entraînantes et de textes déchirants et Yelle s’est imposée immédiatement dans mon esprit. Mais il y a d’autres compositeur·ices sur le film comme Pierre Desprats, qui signe aussi la bande originale, ainsi que Mona Soyoc du groupe KaS Product ou encore Louise Bsx. C’était essentiel pour moi de travailler avec des artistes différent·e·s, de différentes époques et styles. Si une seule personne s’était chargée de l’ensemble, on aurait davantage senti le pastiche. Là, par delà la référence, on en revient à la notion de sincérité qui m’est chère.