À propos de Taniec w Narożniku

par Léo Ortuno

Dans la Pologne post-communiste de Dancing in the corner, le football occupe une place centrale. Il est à la fois le reflet de la santé vacillante du pays, tout en étant le lien qui unit un père et son fils. Bercé par une voix off, celle du cinéaste, le film parvient à l’exploit de nous raconter une vie entière, du premier souvenir à l’adulte désenchanté. Dans ce récit résolument mélancolique, les acteurs se succèdent au fur et à mesure du temps qui passe et les scènes se répondent dans un jeu de leitmotivs fascinant.

Entretien avec Jan Bujnowski

Enfant de la balle

“Le football est une partie importante de ma vie. J’en fais depuis que je suis petit et j’essaye toujours de jouer régulièrement. Pour moi, c’est le seul vrai moment de détente où j’arrête de réfléchir. Quand j’ai commencé à écrire le scénario, je cherchais une activité qui soit un lien durable avec mon père ; le choix m’a semblé évident. Pour beaucoup de jeunes enfants qui habitaient dans le même pâté de maison que nous, l’un de leur passe-temps préféré était de demander à mon père de tirer dans le ballon et de le faire voler le plus haut possible. Je me souviens des cris d’excitation quand le ballon s’envolait dans les airs, et étant tout petit, parfois je pensais vraiment qu’il était sur le point de disparaître et qu’il ne retomberait jamais.” 

Leitmotivs

“Dès le début, je savais que l’histoire raconterait différentes étapes de la vie d’un personnage qui présenteraient des difficultés quant à l’exécution. Il est devenu évident qu’on utiliserait de nombreuses répétitions et leitmotivs pour réduire le temps nécessaire à la narration. Par exemple, à la fin de la deuxième scène, le personnage fait la liste des buts marqués par l’équipe polonaise. Quelques scènes plus tard, il en liste d’autres mais cela prend une toute autre signification. Cette répétition nous a permis de clairement établir la situation et de créer un lien émotionnel sans donner trop d’informations. Cela laisse également la place aux spectateurs de se faire leur propre idée. 

Dancing in the corner 

“L’expression ‘Dancing in the corner’ a été prononcée par un commentateur de foot lors du match Pologne-URSS pendant la Coupe du Monde 1982. Dans les dernières minutes du match, l’avant-centre Włodzimierz Smolarek tente héroïquement de gagner du temps en protégeant le ballon dans le coin du terrain ; au fil des années, cette action qu’on appelle “dancing in the corner”, “la danse du corner” est devenue presque mythique. C’est intéressant de voir que des années plus tard, on ne se souvient de rien d’autre de ce match que cette danse, parce que non seulement on n’a pas gagné le match, mais on n’a pas marqué un seul but.

J’aime aussi contempler cet événement dans un contexte plus large : une situation dans laquelle la Pologne aspirait à jouer un rôle sur la scène internationale, mais qui est restée en marge, trop loin du centre.” 

La Pologne après la chute du communisme 

“Cette période de l’Histoire polonaise m’intéresse parce qu’elle marque une transition ; c’est dans des moments comme ceux-là que les êtres humains se définissent plus clairement. Les crises et les moments de transition sont très porteurs en termes de narration. De plus, avec la distance, il est plus facile de voir s’il s’agissait bel et bien un moment de crise. J’aimerais bien qu’on ne parle que de crises passées, mais je crains qu’on n’en fasse l’expérience dans peu de temps.”

À la Semaine de la Critique