À propos de Noksan

par Thomas Fouet

D'une impressionnante maîtrise formelle, rivé à un personnage à la tranquillité trompeuse – que sert idéalement son interprète, au jeu économe, mais jamais atone –, “Noksan” nous plonge dans la psyché tourmentée et le trouble identitaire de celui-ci, et fait progressivement dériver la chronique annoncée vers des rivages moins familiers. L'utilisation des décors, les différents régimes d'images convoqués, et les effets visuels, d'un minimalisme bienvenu, participent d'un récit naviguant – comme le ferait un rêve – entre le plus prosaïque des quotidiens, une mémoire sujette à caution et des visions authentiquement fantastiques.

En travaillant sur le court métrage NOKSAN, je souhaitais créer un scénario dont le thème conserverait son intégrité, même si l’ordre des scènes était changé. D’une certaine manière, c’est comme un poème. Je voulais créer quelque chose de plus fluide, où il n’y ait pas tant de relation de cause à effet entre les scènes et dans lequel la structure narrative serait en retrait. 
Je crois profondément que nos souvenirs nous définissent - ce qu’on lit, ce qu’on regarde et ce qu’on vit. Au fond, tout ce qu’on crée est un réagencement de notre base de données. Nos souvenirs façonnent nos perceptions, influencent comment on se voit et comment on voit les autres. Cependant, quand la mémoire faillit, on peut ressentir une fragmentation de notre identité. Dans ce film, j’entends aborder cette sensation de manière directe et indirecte en explorant la relation entre la mémoire et l’identité. 
Le film nous plonge au cœur du parcours de Mert qui cherche des réponses, peinant à comprendre ce qui pèche avec sa santé mentale. Il interagit avec différentes personnes, différentes entités, et chaque contact reflète son état d’esprit. Certains échanges sont révélateurs dans le monde tangible, tandis que d’autres semblent être des extensions de son esprit. Mert n’admet pas que le problème vient de lui, il n’en accepte pas la responsabilité. Pourtant, il cherche des réponses jusqu’à ce qu’il n’ait plus le courage d’aller plus loin.  

Je n’avais pas l’intention de changer de genre, ni n’avais prévu de cheminement spécifique entre le réalisme et les hallucinations. J’ai plutôt suivi mon subconscient et ai exprimé cela à l’écran grâce à un filtre qui fait usage des outils du cinéma. Le canevas que le cinéma nous offre ouvre d’infinies possibilités ; je veux explorer et repousser les limites encore plus loin.  

Le choix des lieux de tournage était crucial pour créer l’atmosphère des scènes. Malgré l’apparence tranquille du personnage, il est sans cesse à la recherche de réponses et plein d’énergie. Le placer dans l’environnement chaotique d’un parc d’attraction au milieu des manèges permet comme une extension de son esprit dans le cadre et aide à représenter son trouble intérieur. 

La maison de la grand-mère représente ce qui est familier, la nostalgie. Ses textures intérieures et la présence de la grand-mère elle-même créent l’ambiance et le contexte. Mert visite cette maison pour être témoin des souvenirs qu’elle recèle (les cassettes), forgeant ainsi un lien fort avec le thème. On trouve différentes textures entre les cassettes et la maison de la grand-mère, mais ce sont les revers d’une seule et même médaille. Elles se renforcent l’une l’autre.



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