Entretien avec Sven Bresser, réalisateur de Rietland
par Laurent Hérin
par Laurent Hérin
Entretien avec Sven Bresser
Comment vous est venue l’idée du film ?
Il est toujours difficile de savoir exactement d‘où vient une idée, mais je crois que ça a commencé avec le paysage. J’ai moi-même grandi dans un petit village entouré de roselières. Je m’intéressais aussi au travail de l’artiste néerlandais Armando. Sa notion poétique de “paysage coupable”, qui décrit l’indifférence de la nature face aux souffrances humaines, m’a permis de porter un autre regard sur cette ruralité que j’avais toujours connue. A partir de ces expériences, un ton, des images et des sons ont commencé à se développer dans ma tête.
Vous nous emmenez dans un monde plus sombre ?
J’ai du mal à penser en termes de genres quand je fais des films. Reedland explore clairement un monde plus sombre. Il traite d’une violence et d’une certaine noirceur, des thèmes qui m’attirent depuis ma plus tendre enfance. Je ne sais pas exactement pourquoi, sans doute par peur. Aujourd’hui, je pense que si l’on veut explorer de manière honnête des thèmes tels que le bien et le mal, la culpabilité et l'innocence, la nature violente des êtres humains, on ne peut le faire qu’à travers des questions et en assumant l'ambiguïté et le mystère.
Il y a quand même une certaine lumière dans le film ?
Oui ! Pour moi, c’est un film sur l’ombre et la lumière, et les zones d’incertitude entre les deux. Brûler les déchets de coupe et les buissons d’autres végétations qui poussent parmi les roseaux, c’est le rituel quotidien des coupeurs de roseaux. Mais en prenant le temps de montrer cette routine, elles peuvent exprimer d’autres choses. Elles nous lient au quotidien, à la réalité, tout en la transcendant pour devenir poétiques, presque rituelles.
Il y a aussi l’intrusion du fantastique à travers ces zones d’ombres ?
Ces éléments plus « surnaturels » sont liés à la condition de Johan : confronté au mal, il s’aliène de son quotidien et se retrouve dans une quête existentielle à la recherche d’une vérité.
Il était très important de ne pas appuyer ces moments fantastiques par une esthétique de genre, fidèle aux règles du ‘fantastique’. Je voulais les dépeindre avec la même simplicité que lorsque Johan mange une assiette de patates, ou que nous filmons le vent dans les roseaux. Je voulais brouiller la frontière entre réalité et fantastique. Le surnaturel peut paraître réel et la réalité peut paraître magique.
Avec Gerrit Knobbe, vous choisissez un véritable personnage de cinéma. Est-ce un acteur professionnel ?
Non c’est un coupeur de roseaux professionnel, que j’ai découvert lors de mes recherches approfondies dans la région (comme la quasi-totalité des acteurs du film). Gerrit est tout simplement incroyable. C’est un plaisir de travailler avec lui. Il dégage quelque chose de dur, mais aussi de très doux. Dès notre première rencontre, j’ai su que c’était lui.