À propos de Arkhé

par Léo Ortuno

Arkhé nous fait revivre le traumatisme d’un tremblement de terre à Mexico, dans les années 80. Armando Navarro explore cet événement sous la forme d’un montage d’archives, guidé par une voix qui commente et apporte une profonde réflexion sur le statut de ces images, aussi abîmées que la ville et les corps qui la peuplent. Le temps d’une secousse à peine, ce témoignage se révèle à la fois fascinant, nécessaire et bouleversant.

Entretien avec Armando Navarro 

Images d’un autre temps 

« J’adore les images. Elles m’ont toujours fasciné. Surtout les images d’un autre temps: des albums de famille, les registres historiques des endroits où j’ai vécu, etc. J’ai fait plusieurs œuvres sur l’histoire des archives de Mexico, et certains sujets sont aberrants: des étudiants massacrés, des violences armées d’une virulence incroyable et, bien entendu, les tremblements de terre qui ont plusieurs fois brisé notre ville. Quand je suis face à ces images, j’étudie les archives, je les regarde autant de fois que je peux. Je me laisse affecter et, à un certain moment, elles font partie de moi. C’est à ce moment-là que je me mets à écrire. Une fois que ces affects sont sur la page, l’écriture me dit comment monter ces images les unes avec les autres.»

Tremblement de terre à Mexico 

« Je suis né à Zacatecas, loin de Mexico, en 1989. Cet événement était de l’histoire ancienne et n’avait rien à voir avec moi. Mais en 2007, j’ai déménagé à Mexico. Dix ans plus tard, la nuit du 18 septembre 2017, je regardais En Punto, un formidable journal télévisé sur N+. Ils parlaient des commémorations des victimes du tremblement de terre de 1985. Elles étaient prévues le jour suivant, le lendemain de l’anniversaire de la catastrophe. Le reportage montrait des images du tremblement de terre. Cela m’a profondément ému. Le lendemain, le 19 septembre 2017, à 13:14, la terre s’est à nouveau mise à trembler. Et la ville fut à nouveau brisée. Pendant ce tremblement de terre, et alors que mon corps bougeait sans que je ne puisse le contrôler, ces images me sont apparues, dans ma tête et dans mon corps.« On a besoin de ces images », me suis-je dit,« on a besoin de les voir, encore et encore, et toujours.»

La voix de l’archiviste 

« Le personnage décrit dans ce film travaille avec les archives historiques, comme je le fais depuis quelques années. Ses impressions et affects sont les miens. Cependant, et avant toute chose, Arkhé est une narration en creux: l’activiste n’est plus, seule la voix parle de lui. En écrivant ce texte, je pensais à mon fils Tomás. Il a un an et demi et il est né à Mexico. Une chose est sûre, c’est que cette ville fera à nouveau l’objet d’un séisme. Tomás aura aussi besoin de ces images, comme moi. Il en aura peut-être besoin quand je ne serai plus là. Alors peut-être que Arkhé pourra lui parler, le rassurer.»

À la Semaine de la Critique

Arkhé

2023

Court métrage

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