Voici un « home movie » dans tous les sens du terme : une œuvre personnelle et l’exploration d’un espace — en fait deux, une maison et l’univers mental de Krisha. Il y avait de nombreuses façons de raconter cette histoire. Pourquoi avez-vous choisi ce mélange spécial de plans-séquences, de montage haché, de gros plans, d’atmosphère irréelle et d’anxiété ?
Avant de tourner le film, je disais à l’équipe que ce serait un drame en chambre mais cinématique. Je voulais relever le défi d’utiliser un seul lieu pour tout le film, mais aussi raconter l’histoire avec les moyens du cinéma, sans exposition ou explication préliminaire. Pour moi, tout ce que nous avons fait était de prendre le point de vue de Krisha et d’aller encore plus loin dans sa tête si bien que nous sommes dans sa réalité subjective. Le format du film change selon sa perception — quand elle découvre et ressent la maison, se sent bien ou oppressée. Le montage a été travaillé de la même manière. Le film oscille entre de longues prises en continu et du montage, utilisés à différents moments en écho avec l’état d’esprit de Krisha. Tout était au service d’une captation cinématographique de l’âme du personnage.

Pouvez-nous en dire plus sur cette bande-son étonnante ?
Avec mon compositeur, Brian McOmber, nous avons décidé de la traiter comme un album qui tracerait un arc musical en accord avec ce que vit Krisha. Elle est conçue pour faire écho à son point de vue, comme le tournage et le montage. Nous voulions aussi que la partition progresse de sorte que chaque nouveau morceau prenne un élément du précédent et soit construit à partir de ce dernier. Nous avons même tenté d’utiliser de vrais sons dans cet environnement. Comme des montres, des minuteurs ou des piverts !

Si je devais résumer le film, ce serait quelque chose comme du « John Cassavetes refait par Roman Polanski et Jonathan Caouette »…
Oui ! Peut-être la trilogie en appartement de Polanski (Répulsion / Rosemary’s Baby / Le Locataire) croisée avec Une femme sous influence? C’est ironique sachant que Cassavetes n’a, parait-il, pas très bien vécu le tournage de Rosemary’s Baby. Cassavetes et Polanski ont été d’énormes influences. Je dois avouer que je n’ai vu aucun des films de Jonathan Caouette mais je compte le faire bientôt !